Blog du Pr Rabah AIT-HAMOUDA

Blog du Pr Rabah AIT-HAMOUDA

De la grandeur d’un peuple

L’histoire nous apprend que l’humanité a de tout temps été confrontée à des périls, conflictuels, sanitaires, cataclysmiques ou tout autre. Des civilisations combien dominantes ont disparu, d’autres ont été marquées au fer rouge et d’autres ne se sont jamais relevées. Il y a des peuples qui subissent l’histoire et d’autres qui écrivent leur nom dans le livre de l’Histoire.

 

Je n’ai aucune intention de rentrer et m’embourber dans un débat politique mais en tant que citoyen algérien, médecin, professeur en infectiologie directement concerné et impliqué dans la riposte à cette menace sanitaire mondiale, je ne peux en mon âme et conscience me contenter de surfer sur la toile ou zapper de plateaux en plateaux et puis me mettre sous une couette en me disant ‘’ je ne suis pas concerné, c’est aux autres de se débrouiller’’. Il est temps que chacun, à son niveau, prenne ses responsabilités et une des miennes est d’apporter dans cette contribution des éléments de réflexion et de lever certaines équivoques.

 

1. De quoi s’agit-il et que sait-on ?

Le 29 décembre 2019, A Wuhan, une ville de Chine de 11.000.000 habitants, trois cas de pneumonie ont été notifiés aux autorités sanitaires, dont un décès. Le China-CDC (C-CDC, centre de contrôle des maladies de Chine, organisme chargé de l’étude des maladies) établit un rapport entre les cas et la fréquentation d’un marché où l’on vend des animaux à consommer. Tous les examens recherchant 22 agents pathogènes habituels responsables de pneumonies ont été négatifs. Fort de l’expérience passée en 2002-2003 avec l’épidémie SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère dû à un virus des chauves-souris qui a touché 8.000 personnes) à Guangdong au Vietnam, le C-CDC a orienté les recherches dans ce sens. Rapidement un virus appartenant à la famille des coronavirus a été isolé.

Les coronavirus sont virus animaux connus depuis 1930 par les vétérinaires, et en 1960, des variants ont été identifiés chez l’homme ; ce sont les ‘’Human-coronavirus’’ au nombre de quatre circulant continuellement dans la population provoquant des ‘’rhumes’’ banals sans mortalité.

 

A ces quatre ‘’gentils’’ virus, viennent s’ajouter deux autres cousins plus méchants et plus morbides provoquant des infections respiratoires graves, souvent mortelles :

  • Le premier est apparu en 2002-2003 Guangdong au Vietnam affectant 8.000 personnes dont 623 décès. Ce virus dénommé ‘’SRAS-CoV’’ (Coronavirus du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) n’est plus en circulation.
  • Le deuxième apparait en 2012 au Moyen-Orient (Arabie Saoudite), appelé MERS-CoV (Middle-East Respiratory Syndrome cornavirus) touchant entre 2012-2019, 2.458 personnes dont 845 décès et toujours en circulation actuellement au Moyen-Orient.
  • Et puis ce troisième, l’actuel qui fait la une et qui vient de conquérir le monde et qu’on dénomme ‘’SRAS-CoV2’’. La pathologie respiratoire qu’il provoque s’appelle COVID-19 (CoronaVirus Infected Disease, ou maladie du coronavirus)

 

Ces virus sont fragiles dans le milieu extérieur et sont détruits par les désinfectants habituels comme l’alcool, l’hypochlorite de sodium (eau de javel), les détergents et autres. Ils sont doués d’une grande capacité de mutation qui leur permet d’être plus virulents et de pouvoir à l’occasion passer d’une espèce animale à une autre. Ce nouveau virus a muté trois fois déjà depuis décembre 2019.

 

Ces trois nouveaux virus sont zoonotiques c’est-à-dire d’origine animale comme beaucoup d’autres (Ebola en Afrique équatoriale, Nipah et Hendra au sud-est asiatique, en Australie). L’animal qui les héberge de façon naturelle et pérenne sont des grandes chauves-souris frugivores qui n’existent pas chez nous et le cycle biologique de survie du virus se fait entre-elles. A un moment donné, quand l’occasion se présente, ces virus peuvent passer de la chauve-souris à l’homme. C’est ce qu’on appelle ‘’le franchissement de la barrière inter-espèces’’ qui est un mécanisme très complexe et long à réussir nécessitant des mutations successives qui consistent à ‘’se fabriquer’’ pour faire simple, une clé d’entrée chez l’homme. Ce franchissement se fait rarement directement, mais plutôt en empruntant un chemin détourné par passage d’abord chez un animal proche de l’homme qui devient de ce fait un hôte intermédiaire. Pour le SRAS 2003, c’était un mustélidé, la genette, pour le MERS-CoV c’est le dromadaire et pour ce nouveau venu on suspecte le pangolin, un mammifère recouvert d’écailles.

 

Ce nouveau virus a muté, il s’est fabriqué la clé et a franchi la barrière en passant chez l’homme : il a réussi son émergence en provoquant une pandémie mondiale c’est-à-dire sortir du foyer originel et circuler dans plusieurs continents devenant une menace sanitaire mondiale. Nul besoin de parler des chiffres galopants qui font la une de tous les médias.

 

2. Comment se transmet ce virus ?

Ces virus respiratoires se transmettent très facilement par les aérosols de gouttelettes que nous dégageons en parlant, en toussant, en éternuant, en embrassant un parent et nous on aime bien s’embrasser, mais également par le partage d’ustensiles au repas (verre, fourchettes, et la fameuse cuillère que l’on goûte avant de la donner à son bébé ou sa grand-mère) ; ce qui explique que la transmission est de ‘’type rapprochée’’ à moins d’un mètre, la promiscuité et le comportement en sont un facteur déterminant. Pour s’en prévenir, il faut simplement tousser, éternuer et se moucher dans un mouchoir à jeter, ou sur le pli du coude fléchi mais jamais dans les mains, car les mains souillées sont très dangereuses.

 

En effet, les mains que nous souillons lors de l’effort de toux, d’éternuement ou de mouchage sont un vecteur de transmission très facile et très dangereux. Avec mes mains souillées de mes gouttelettes, je vais contaminer la main de mon copain, d’un parent, la poignée de la porte, la rampe de bus ou de métro, le clavier de mon PC ou mon smartphone et il suffirait pour mon parent, copain ou ami de porter sa main souillée par mon passage au visage, au nez, aux yeux pour être contaminé. D’où la recommandation de se laver les mains fréquemment et au moins 20 secondes avec du savon liquide et de s’essuyer avec une serviette en papier jetable. La solution hydro-alcoolique n’est pas un savon et elle n’a d’efficacité que si les mains sont propres, elle sert à désinfecter et non à laver.

 

Le malade est contagieux avant même les signes cliniques et peut le rester plus longtemps c’est pour cette raison que l’isolement est nécessaire jusqu’à négativation des examens. Certains ne présentent pas de signes et sont dits asymptomatiques ou peu-symptomatiques. Ces personnes infectées, transmettent le virus à leurs amis, leurs parents, sans le savoir.

 

En faisant simple, pour être contaminé, il faut récolter des postillons de toux, d’éternuements etc.), avoir été en contact physique (embrassade, poignée de main, manipulation d’objets souillés par des mains souillées) ou partager un espace de proximité fermé de transport (avion bus, taxi) ou de vie (classe d’école, cinéma, chambre,) ou ouvert (rassemblent de personnes dans la rue, les stades, les lieux de cultes. C’est pour cette raison que l’on prend des mesures de restrictions de mouvements, d’habitude de vie aboutissant au confinement d’une ville comme Wuhan, une région comme le nord de l’Italie, et annuler la Omra.

 

3. Quels sont les signes et quelle est la gravité de la maladie ?

 Après une incubation (temps écoulé entre la pénétration du virus dans l’organisme et le début de la maladie) estimée à 2-14 jours, le malade va présenter :

  • Dans 80% des cas des symptômes banals d’infection respiratoire avec une fièvre, une toux sèche pénible, des courbatures, une fatigue. Quelques fois, les signes sont tellement légers qu’on n’y prête même pas attention. Ces cas sont les plus dangereux dans la transmission dans une population car ils négligent la maladie, ne consultent pas et souvent ne prennent pas de précautions. Ils continuent à embrasser les autres, à aller à la mosquée, à d’autres rassemblements de famille ou de travail ou autres et disséminent de façon innocente la maladie.
  • Dans 15% des cas une forme sévère avec une pneumonie.
  • Dans 5% des cas une forme grave avec atteinte de plusieurs organes engageant le pronostic vital.
  • Et dans 2.3% entraîner la mort.

 

Ces formes graves s’observent essentiellement chez des personnes âgées, ou personnes avec ou cumulant des comorbidités, maladies chroniques telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, les bronchopneumopathies chroniques liées au tabac ou autres, les personnes en immunodépression etc.

 

4. Comment fait-on le diagnostic ?

Le diagnostic de certitude est fait par la recherche de nucléotides viraux (des traces de matériel génétique) par la technique dite RT-PCR au niveau d’un prélèvement souvent naso-pharyngé. Chez le malade, on introduit dans le fond du nez une tige portant un dispositif pour prélever les secrétions que l’on met ensuite dans un milieu de transport et que l’on adresse à l’institut Pasteur d’Algérie (IPA) qui est le Centre National de Référence (CNR). Bientôt d’autres antennes de l’IPA seront ouvertes dans plusieurs grandes villes d’Algérie.

 

5. Comment est organisée la prise en charge ?

Dès l’annonce de l’alerte par l’OMS, le MSPRH a réactivé le dispositif ayant servi pour le SRAS en 2003 et pour la grippe A/H1N1 dite ‘’porcine’’ en 2009. Des instructions portant sur la maladie, son diagnostic, sa prise en charge ont été diffusées aux différents responsables de la santé. Ainsi des centres référents ont été désignés dans chaque ville avec des structures d’isolement et de traitement. Les services d’infectiologie, de pneumologie ou de médecine interne et de réanimation ont été chargés de la prise en charge, les services d’épidémiologie pour les enquêtes, la surveillance, la notification et le suivi et l’Institut Pasteur pour le diagnostic.

 

Par ailleurs, je pense qu’il est très important au cours des épidémies d’anticiper les événements à venir ; ce qui se passe en France et surtout en Italie nous enseigne de façon simple et caricaturale le déroulement sournois et quelque fois explosif des épidémies ; car avec les moyens dont ils disposent et l’adhésion de la population, ils arrivent tous juste à freiner l’épidémie. Les mesures draconiennes décrétées par les gouvernants, appliquées et respectée par la population en Chine et à Singapour ont permis d’éteindre l’incendie. C’est pour cette raison que l’adhésion de la population en termes d’écoute, d’application des recommandations est un prérequis indispensable dans la lutte

 

Il est clair que si jamais la situation venait à empirer, et il faut toujours anticiper et avoir cette hypothèse en tête, un redéploiement des structures et des personnels publics et privés seraient étudié

 

Quant au traitement, à ce jour, il n’a pas été proposé de façon consensuelle de traitement spécifique contre ce virus par les organisations internationales. Des essais avec des molécules antivirales et autres ont été tentés en sauvetage en Chine avec des résultats jugés prometteurs. Des essais sont actuellement en cours en France. Quant à nous, nous ne pouvons-nous pas inscrire que dans ce qui est validé par les organisations internationales.

 

Pour le vaccin, plusieurs laboratoires et institutions s’y attellent et quel qu’en soit le résultat, le produit doit passer par les trois phases d’immunogénicité, de tolérance et de protection ; ce qui va demander du temps.

 

6. Alors, où en est-on ?

Le monde est devenu un village, la globalisation n’est pas uniquement économique ou commerciale, elle l’est également dans la dispersion des agents pathogènes, des résistances bactériennes. Ainsi, l’effet papillon ‘’le battement d’aile d’un papillon à Honolulu peut provoquer un ouragan au Texas’’ vient encore d’être d’actualité.

 

Comme tout le reste du monde, l’Algérie n’est pas à l’abri des phénomènes microbiologiques mondiaux et le croire c’est faire preuve de crédulité.

Avec un trafic aérien intercontinental, une grande communauté établie à l’étranger, un mouvement de population permanent pour des raisons commerciales, touristiques ou autres, il était évident et attendu que ce virus finisse un jour par s’introduire chez nous.

 

Malgré les mesures-barrières de dépistage aéroportuaire au demeurant scientifiquement et pratiquement peu suffisantes pour repérer des cas en introduction (cas asymptomatique, fausse déclaration de santé, et tous les cas importés de Chine en Europe sont passés à travers les mailles du dispositif aéroportuaire), le premier cas importé a été diagnostiqué chez un étranger travaillant dans un champ pétrolier et je tiens ici à féliciter le ou les médecins qui ne sont pas passé à côté du cas. Dans ces situations d’alerte sanitaire, la veille comme système de détection est impérative. Bravo Docteur, vous méritez une médaille

 

Secondairement un cluster familial a été détecté à Boufarik à l’occasion d’un rassemblement familial provoqué par un parent venant de France. D’autres personnes, des algériens en provenance d’Espagne, de France ont également été diagnostiqués. Actuellement, le MSPRH fait état de 48 cas notifiés avec quatre décès. La plupart des cas ont été enregistrés dans la wilaya de Blida, d’autres décrits à Guelma, Skikda, Alger, Mascara

 

Par ailleurs, ceux qui me connaissent vous diront que je ne suis pas du genre à caresser dans le sens du poil mais il faut reconnaitre qu’un effort juste et appréciable en communication a été fait par notre autorité de santé. Contrairement à ce que nous avons l’habitude de vivre lors des épidémies précédentes, nous avons chaque jour un état de la situation, des messages de prévention en boucle, des débats sur plateaux, une ouverture de portails-web des organismes concernés (IPA, MSPRH, INSP). C’est la première fois que nous disposons d’un numéro-vert pour répondre aux soucis des patients. Il restera à exploiter d’autres espaces de communication comme le web car tout le monde surfe sur Google, Facebook ou YouTube ou autres et peu suivent les écrans télé. De jeunes blouses blanches, des étudiants ont créé des pages d’informations scientifiques comme le ’’Collèges des Infectiologues d’Algérie’’, le ‘’Réseau des Épidémiologistes Algériens’’, ‘’Formation Médicale Continue’’, ‘’Avis-doc’’, ‘’Je suis Médecin’’ pour ne citer que ceux-là. Ils constituent un réseau d’information de sensibilisation et d’alerte qui méritent d’être accompagnés.

 

7. Quel est l’impact de cette épidémie ?

  • Impact sociétal : au départ quand l’épidémie était concentrée en Chine, les communautés chinoises installées ailleurs ont été victimes de stigmatisation, de rejet et tous les commerces chinois ont vu leur chiffre d’affaire baisser.
  • Impact économique : je ne suis pas expert en la matière mais il est clairement annoncé que l’économie mondiale a subi un choc sans précédent. Le prix du baril de pétrole est au plus bas. La Chine est un pays-usine où beaucoup de sociétés étrangères ont élu domicile. Le confinement régional, l’arrêt des transports ont provoqué une panne dans les circuits de production.
  • La mésinformation virale : Le monde est devenu une page ouverte, l’information circule 24h/24h et plus la peine d’aller la chercher ailleurs, elle s’impose dans votre tablette, votre smartphone souvent d’origine chinoise d’ailleurs !

 

La mésinformation c’est-à-dire la diffusion d’informations fausses, insuffisantes, tendancieuses est aussi vieille que l’homme ; elle accompagne ou remplace la rumeur dont le but principal, volontaire ou non, malveillant ou innocent est de créer le doute vis-à-vis d’une information officielle. Cette mésinformation est distillée par une nébuleuse qui écume la toile avec des vidéos virales. Ce phénomène est devenu dangereux et épidémique au point où l’OMS classe la mésinformation comme une des dix menaces sanitaires du 21e siècle. Dans cette nébuleuse, on y trouve des scientifiques anti-vaccins, des anti-pharma, des conspirationnistes et du n’importe-quoi jusqu’au marabout et le garçon du café d’en face qui découvre ‘’ Eureka’ ’sur le flacon de la solution hydro-alcoolique fabriqué en 2014 que ce produit agit sur plusieurs bactéries et virus dont les coronavirus. Le raccourci est vite emprunté, si c’est mentionné en 2014 donc le virus corona existait déjà, alors nous en parler maintenant, c’est vite compris comme une manipulation grossière pour vendre des médicaments déjà prêts.

 

Beaucoup jouent sur l’ignorance et sur la fibre religieuse. Il n’y rien de plus mortel que l’ignorance. Je dis toujours à mes étudiants, ‘’Quand le savoir est accessible, l’ignorance devient un crime’’.

 

D’autres, parlent de complot ourdis par des uns et des autres pour casser l’économie chinoise, réduire la population mondiale, briser l’union européenne, se débarrasser des musulmans en faisant fuiter par inadvertance ou par malveillance un virus d’un laboratoire chinois.

 

Qu’à cela ne tienne, je réponds toujours de la même façon : ‘’vous habitez un village entouré de forêt, un incendie se déclare vous passeriez votre temps à réfléchir qui a allumé le feu et dans quel but ou essayer de sauver votre village, votre maison et votre famille ?’’

 

Le fait est là, le virus est chez nous comme il est chez tous les autres, alors que faire ?

Continuer à faire la sourde oreille en restant dans la suspicion et la désobéissance ? Nous risquons de le payer très cher car les virus n’ont pas de sentiments et ne reconnaissent aucune frontière et chaque fois qu’une occasion leur est donnée ils en profitent et se répandent. Survivre, muter et se répandre est une des lois de la conservation des espèces.

 

Loin de moi l’idée de jouer au plus nationaliste que les autres, au plus patriote que les autres, ou être compris comme un ‘’actionné’’ ; je voudrai simplement exprimer mon avis de citoyen interpellé par cette menace sanitaire et qui est du domaine de ma qualification d’infectiologue. Je suis issu de l’école algérienne, de l’université algérienne, je suis au crépuscule de ma vie professionnelle et il me fait mal de voir mon pays prendre un risque inutile.

 

Il y a des peuples qui subissent l’histoire et d’autres qui écrivent leur nom dans le livre de l’Histoire. L’Algérie a écrit son nom dans le livre de l’Histoire.

 

Depuis des millénaires elle a fait face et survécu aux différentes invasions, aux différentes crises internationales, à la famine, aux pestilences, aux épidémies. Elle a de tout temps payé le prix de sa survie dans le sang, dans la douleur et les larmes. Peu de pays seraient restés debout.

Depuis une année, le mouvement citoyen ‘’Hirak’’, porté par des jeunes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des étudiants, ouvriers, chômeurs clame dans la rue un changement. Ce mouvement a stupéfait le monde entier par son originalité de non-violence, sa ‘’Silmya’’, témoin d’une conscience sans égal. Il a survécu sans fléchir ni se disloquer. Il est libre à chacun de participer à un rassemblement de rue pour exprimer ses idées. Il doit assumer le risque de s’exposer à une contagion, il en payera le prix ou il fera payer le prix à ses enfants, sa mère ou ses grands-parents. L’OMS insiste sur les risques de propagation du virus corona encourus lors des rassemblements de personnes.

 

Ce mouvement avec cette conscience extraordinaire qui lui a permis de tenir une année dans la ‘’Silmya’’ peut trouver une alternative d’expression sans faire prendre de risques aux personnes, sans aboutir à la promulgation de l’état d’urgence sanitaire et sans provoquer une catastrophe sanitaire.

Il n’en sera que grandi car c’est dans ces moments que se mesure la grandeur des peuples l'Histoire a une grande mémoire.

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Dr. Rabah AIT-HAMOUDA, Professeur en Infectiologie,

Vice-Président chargé de la Commission Scientifique de la Société Algérienne d’Infectiologie (SAI).

Batna, le 15/03/2020.

 

 


25/01/2025
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SRAS-Cov2: il y aura du bon et du positif avec Omicron. J’espère ne pas me tromper!

Il y aura du bon et du positif avec Omicron. J’espère ne pas me tromper. Un nouveau variant du SRAS-Cov2 vient d’être identifié en Afrique du Sud alors que le Delta n’a pas fini sa progression. Ce variant a été mis en évidence dans la province de Gauteng en Afrique du Sud où il a été observé une recrudescence de cas cliniques de COVID-19 avec des PCR quelque fois négatives. L’Afrique du Sud compte la plus grande épidémie de VIH au monde avec 7.7 millions de PVVIH. Dès le départ de la pandémie il n’a pas été observé de particularité en termes de susceptibilité ou d’expression clinique ou de gravité particulières chez PVVIH. Certains ont même émis l’hypothèse d’une protection de ces personnes par les ARV, d’où l’idée au départ d’en proposer certains d’entre-eux comme arme pour le SRAS-Cov2. Il a été démontré que les PVVIH ont une clearance du SRAS-Cov2 très longue allant jusqu’à 210 jours (07 mois) documentée par des PCR. Ceci fait de ces patients des incubateurs de variations ou de mutations pour d’autres virus à grande capacité de changements.

 

Ce nouveau variant, Omicron cumule des mutations qui proviendraient du VIH et des coronavirus humains endémiques comme le HCov-E229. La COVID-19 est un cas d’école en termes de réussite émergentielle mettant à l’épreuve ou à nu les systèmes de santé des plus faibles aux plus performants avec des impacts sanitaires, économiques, sociétaux, psycho-affectifs etc.) lourdement ressentis et à la longue difficilement acceptables. La dynamique des émergences nécessite trois éléments fondamentaux : l’agent pathogène et sa capacité à s’adapter, l’environnement de genèse et de diffusion et l’hôte. La réussite émergentielle d’un virus passe également par trois étapes et dans chaque étape, réussira le virus qui a la plus grande capacité de s’adapter par des variations, des mutations ou des recombinaisons. Le but final est la pérennisation dans la nouvelle espèce conquise. Il en est ainsi du virus de la rougeole provenant des bovins, du VIH provenant du singe et bientôt du SRAS-Cov2 provenant des chéiroptères. Nous vivons en direct ces étapes de réussite.

 

  1. L’introduction du virus par franchissement de la barrière inter-espèces souvent après plusieurs tentatives d’agencement structuraux et d’améliorations successives de la clé d’entrée.
  2. La diffusion dans la population directement liée au mode de transmission. Plus la population est vierge, plus la transmission est facile, plus la circulation et la diffusion est aisée. La globalisation est directement liée aux mouvements et voyages des populations.
  3. La pérennisation dans la nouvelle espèce conquise est le but final constituant la réussite émergentielle. Le SRAS-Cov2 est en phase de diffusion et finira par devenir pérenne. On comprend aisément que plus le virus a des capacités de muter, de varier, de se recombiner,  plus il a de chance de pérenniser dans la nouvelle espèce conquise. Ces capacités sont le fait classique des virus à ARN. La possibilité d’infecter plusieurs espèces constitue un avantage supplémentaire en devenant des mixeurs de virus; il en est ainsi du porc pour les virus grippaux, et récemment des visons pour le SRAS-cov2 documenté par Raoult. D’autres réservoirs sauvages sont à l’étude comme les cerfs de Virginie et autres. Le SRAS-cov2 a une grande capacité de variations et chaque variant qui apparait cumule de changements pour être plus contagieux et ou plus mortifère. Ceux qui ne peuvent pas aboutissent à un échec et finissent par se taire. C’est comme cela que les épidémies de certains variants s’estompent (Alfa, Beta, Gamma, Mu, Marseille4 etc.) aux dépens d’un nouveau plus adaptés, plus ‘’intelligent’’, dixit Raoult. Omicron arrive, il cumule plus de trente mutations le rendant encore plus transmissible que Delta qui lui-même a supplanté ses précédents cousins.

 

Alors deux scenarios sont possibles avec ce variant recombiné et plus transmissible que les précédents :

  1. Le virus provoque un taux de mortalité élevé, nous allons encore payer le prix en attendant l’arrivée d’un plus gentil
  2. Le virus ne provoque que des formes asymptomatiques voire bénignes, tant mieux. De par sa plus grande transmissibilité, il va supplanter le Delta et autres. Le SRAS-Cov2 aura trouvé la bonne combinaison structurale qui lui permettra de devenir pérenne et rejoindre les autres Human-Cov endémiques ; il en sera le cinquième.

 

Ce qui a été observé à ce jour, c’est que ce variant est plus contagieux mais on n’a pas encore d’idée sur la gravité. Aujourd’hui, finit une étude à Gauteng, épicentre de l’épidémie ; nous saurons dans peu de temps qu’en est-il de la gravité. C’est le point positif et bon que nous apportera, j’espère l’émergence de ce variant. Priez avec moi que ce soit le début d’une fin. Le SRAS-cov2 aura réussi son émergence.


18/10/2024
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Hommage au Pr Rabah AIT-HAMOUDA 1951-2022

Il y a un an, jour pour jour, à minuit, le 18 novembre 2022, tu es parti pour toujours. Tu nous as quittés, simplement comme tu as toujours choisi de vivre. Tu nous as laissés hébétés, assommés par ce départ arrivé trop vite, trop tôt. Trop tôt pour nous tous, ta femme, tes enfants, ta famille, tes amis, qui avions espéré ta guérison. Mais c’est la volonté de Dieu.

 
Tu as donné de l’amour à ta famille, à tes amis, à toutes les personnes qui t’entouraient. Ta bonté et ta générosité légendaires n’avaient d’égales que ton empathie, vis-à-vis de tes malades, des plus faibles, des démunis.
 
Tu ne concevais pas l’existence sans partage, et plus que tout, le partage du savoir et de la connaissance. Tu en faisais bénéficier tout ton entourage, du plus jeune étudiant en médecine jusqu’à l’assistant le plus aguerri. Tu avais en aversion les personnes qui gardaient tout, n’en faisant pas profiter les plus jeunes et transformaient leur espace de travail en citadelle imprenable. Et Dieu sait que dans le milieu médical, les mandarins sont légion.
 
Rabah en famille

 

Pendant quarante ans à Constantine, à Sétif, puis à Batna, tu as donné sans compter, tu as soigné, tu as enseigné, tu as transmis tes connaissances avec ta rigueur scientifique, ton exigence. Excellent pédagogue, tu as fait dire à toutes ces générations de spécialistes, présentes en nombre le jour de ton enterrement : "C’est le meilleur enseignant qu’on ait jamais eu", leur faisant dire aussi que tu leur donnais des leçons de vie. Le témoin est bien passé. Des générations de médecins brillants ont repris le flambeau, te prenant comme modèle, imprégnés de ton savoir, ta rigueur et ton honnêteté intellectuelle.

 
Tu aimais passionnément ton pays. Il y a trente ans, alors que tu occupais le poste de chef de clinique dans un CHU en France, tu as fait le choix d’y retourner pour exercer à Sétif, puis plus tard à Batna. Ton identité algérienne, amazighe, tu l’as portée avec fierté, tu en étais pétri. Ton patriotisme exacerbé mais légitime te faisait abhorrer toute idée de régionalisme ou de tribalisme érigé en valeur. Tu étais chez toi partout en Algérie. Ton nationalisme pur, authentique, n’était pas un nationalisme de façade que l’on brandit par opportunisme. Tu apportais ta pierre à l’édifice, tu y travaillais de toutes tes forces, apportant ton savoir pour soigner tes malades, visant l’excellence dans ton enseignement octroyé à tes élèves. Ces élèves feront l’Algérie de demain, cette Algérie que tu voulais grande et forte.
 
Tu voulais, à ta retraite que tu n’as pas eu le temps de vivre, dire toutes les choses que tu n’as pas eu le temps de dire. Comme à ton habitude, continuer à donner ton savoir par tes cours magistraux, sillonnant le pays, répondant toujours présent aux invitations émanant de tes confrères. D’Alger à Oran, de Constantine à Annaba, de Tlemcen à Ouargla, de Sidi-Bel-Abbès à Tamenghest, ni la fatigue ni les distances ne t’empêchaient d’être présent à un jury d’examen ou pour donner une conférence.
 
Puisses-tu demeurer à jamais le modèle à suivre pour toutes ces générations de médecins dont tu fus le maître dans l’exercice de ce noble métier.
 
Que dieu t’accorde sa miséricorde et t’accueille dans son vaste paradis.
 
Tous nos remerciements et notre reconnaissance vont vers vous tous, famille, amis qui nous avez soutenus dans ces moments douloureux.
 
Merci à l’équipe médicale et paramédicale du Pr. Hamidi, du service de réanimation du CHU de Béni-Messous, sans oublier le Pr. Ouali et Dr. Ziouche, équipe dont nous saluons le professionnalisme, la compétence et le dévouement qu’ils apportent à leurs malades.
 
Merci à l’équipe des maladies infectieuses du CHU de Sétif et à tous les confrères, amis, et anciens élèves qui étaient présents pour rendre hommage au Pr. Ait Hamouda lors de la journée organisée magistralement à cet effet par les Pr. Segueni et Pr. Lecheheb. Vous avez toute notre reconnaissance.
 
Un grand merci aux amis de toujours du CHU de Constantine : Pr. Aouati si bienveillant, Pr. Segueni l’ami dévoué. Les professeurs Abdenour, Gassi, Roula, Oubira, Kamal Benali. Les amis et complices de toujours : les professeurs Idir Hamour, Messast, Mechakra et tant d’autres…
 
Merci à l’équipe des maladies infectieuses de l’EPH de Batna, spécialement au Pr. Righi, toujours présente et prête à apporter son aide et son soutien. Merci à toute l’équipe, amis et confrères : Pr. Mahdjoub, Pr. Mokrani, Pr. Amrani, Pr. Benyahia, Pr. Hadj Aissa.
 
Merci au Dr. Chabou Amna qui a si bien travaillé pour l’élaboration de sa biographie. Merci aussi au groupe SMC Medical de l’ISM Batna qui a organisé une journée en son hommage.
 
Je n’oublie pas le Pr. Mansouri, Dr. Belkhir et Dr. Aouachria, tellement dévouées. Un grand merci aux Pr. Bouhidel, Pr. Kadir.
 
Pardon si j’ai omis des noms, la liste est tellement plus longue…
 
Toute ma reconnaissance au Pr. Houria Allahoum, merci pour ton soutien.
 
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Ton épouse et tes enfants.
 
Batna le 18 novembre 2023.

07/01/2024
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De l'expression clinique de la COVID-19

Mystérieuse comme tout ce qui vient du soleil levant, la COVID-19 n’arrête pas de nous surprendre. 

 

Naissante, bruyante, extensive, conquérante, cette maladie défit le monde dans ce qu’il a de plus puissant, là n’est pas le débat ; il est dans le visage clinique qu’elle nous présente à chaque saut de continent.

 

Il est classiquement connu que chaque maladie infectieuse s’exprime par des signes qui en font la description la plus classique.

 

Cette expression est certes dépendante de l'agent pathogène, de son impact sur les organes, mais également des caractéristiques démographiques et sanitaires des populations en termes d'immunité individuelle et collective, et de comorbidités. 


Les séries de cas décrits on chine ont donné les caractéristiques cliniques et épidémiologiques de départ. Ce tableau aboutit une définition initiale des cas. 

 

Je pense que nous allons observer avec le temps d’autres expressions cliniques différentes de ce qui a été observé en chine et dans peu de temps nous allons avoir trois expressions :

      • l'expression chinoise
      • l'expression européenne
      • l'expression africaine


1) L’expression chinoise initiale : atteinte respiratoire plus ou moins grave pouvant aller au SDRA et syndrome de défaillance multiviscérale. Une gravité et une létalité associée à l’âge, aux comorbidités. Mais curieusement pas ou peu d’enfants et de femmes enceintes et pas ou rarement de PVVIH (peut-être protégés par les ARV)

 

2) Une expression européenne actuelle où l'on décrit :

      • des formes graves chez les jeunes,
      • fréquence de signes non décrits précédemment en chine comme des signes digestifs, neurologiques, une anosmie, une agueusie et qui constituent actuellement en Europe un signe d’appel retenu. 

 

 

Je reste curieux de voir quel va être l’impact de la maladie chez enfants et les femmes enceintes et les PVVIH en Europe. L’Italie possède après le japon la population la plus importante de personnes âgées d'où une létalité dépassant celle de chine. 


3) L’Afrique semble prendre du retard pour probablement une raison de faible connexion aérienne avec les pays d'Asie. Maintenant que l’Europe est touchée, des cas vont être introduits par des émigrés africains en Europe  de retours chez eux. Et là on va avoir l'expression africaine avec tout son fardeau de malnutrition, de parasitoses et autres fléaux pouvant interagir pour donner à la maladie une particularité africaine. Et quel sera l’impact chez les enfants et les femmes enceintes et les PVVIH sans accès au traitement.


A la fin, nous aurons une expression clinique de la COVID avec des particularités.
Il faut retenir, comme le dit Raoult, que ‘’les maladies infectieuses sont des maladies d’écosystème’’ ; elles ne sont jamais figées ni dans leur genèse, ni dans leur développement, ni dans leur expression. Cet écosystème va de la niche écologique microscopique réalisée par une communauté multicellulaire dans un biofilm  jusqu’à l’écosystème macroscopique planétaire soumis à des interactions entre les déterminants humains, animaux et environnementaux ; d’où le concept ‘’one World, one Heath’’. 

 

Elles se présentent et se présenteront sous un autre visage comme l’avait prédit Charles Nicolle dans ‘’Destin des maladies Infectieuses’’.

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Dr. Rabah AIT-HAMOUDA, Professeur en Infectiologie

Vice-Président chargé de la Commission Scientifique de la Société Algérienne d’Infectiologie (SAI)

 

Service des Maladies Infectieuse, EPH et Faculté de Médecine, Université Ben Boulaid, Batna 2


19/05/2023
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Le printemps noir ou la colère des genêts

Quand les murs deviennent exigus et qu’il ne reste plus de place aux autres,

 

Quand les bras ne servent à rien sinon à pendre, se croiser ou cacher les mains dans des poches vides ou trouées

 

Quand l’AK47 devient maladroit, distrait ou fou et se vide sur celui qu’il est censé défendre des hordes moulées ailleurs,

 

Quand le verbe devient pubien, et comme des pierres jetées aux femmes

 

Quand des balles "pourtant normales" fracassent les cerveaux d’adolescents émeutiers

 

Quand l’incendie de la pinède de Baïnem devient inquiétude, fait la une du vingt heures et que le brasier des genêts est rangé dans l’habitude

 

Quand les cris ne portent pas plus loin que les montagnes sciemment érigées par  la tectonique et l’Histoire

 

Alors le petit émeutier aphone écrit sur le mur d’un arrêt de bus de la RN5 près d’El Adjiba*:

-"Ne tirez pas sur nous, nous sommes déjà morts"

 

Trop tard, il est mort!

 

Mort ? tu es sûr ?

 

Oui il est mort te dis-je!

 

Mort de ne savoir que faire de sa vie

 

Mort, tué par ce temps qui ne veut pas finir à compter les voitures qui passent

 

Mort, tué par sa gorge qui a tant crié et que personne n’a entendue

 

Mort, tué chaque jour par l’arrivée de la nuit et par la peur d’être surpris par les autres sur les chemins qui montent

 

Mort de rentrer, la tête basse rien dans les mains, prendre effacé, un reste de couscous avec un oignon puis se faufiler entre deux paillassons en espérant faire un rêve.

 

Oui rien qu’un rêve, pas plus.

 

Le rêve d’être dans un atelier avec un outil et gagner de quoi remplir un couffin et de renter au village altier comme un arguez

 

Le rêve de voir son diplôme ailleurs que dans un placard poussiéreux, maintes fois joint à des dossiers d’embauche sans retour

 

Le rêve de prendre tendrement la main d’une amie et vivre un bourgeon d’amour  sur un banc du jardin de Birkhadem sans être apostrophé ni embarqué pour outrage alors que l’outrage est ailleurs dans des salons calfeutrés

 

Le rêve de partager sa vie, à défaut cet éternel couscous aux fèves ou aux lentilles sur une nappe même si elle n’a pas de dentelles

 

Le rêve d’avoir de petits chenapans qui apprendront autre chose à l’école que des Tarbiyates

 

Le rêve de  leur parler et leur chanter comme sa mère le lui a appris.

 

Le sommeil emprunté au Rivo** arrive enfin et le gave de cauchemars: vrombissement de Azraïn***, aboiements de bergers allemands, crépitements de fusils automatiques…. Et puis des hurlements.

 

Le jour se lève.

 

La montagne est belle,

La montagne est belle mais pauvre depuis qu’elle a perdu la blancheur de ses crêtes.

 

La vie aussi est pauvre.

 

Que va t il faire aujourd’hui ?

 

Descendre pour compter encore les voitures qui passent?

 

Crier encore dans la rue des mots que les autres osent à peine chuchoter de peur d’être entendus ou par politesse de ne pas parler la bouche pleine ?

 

Ou

 

Embarquer avec d’autres sur un esquif hasardeux dans l’espoir de faire naufrage sur des terres inconnues ?

 

Contrairement à ses amis, il choisirait le blizzard canadien au bush australien.

Et le froid ?

 

Le froid ? Il l’a toujours connu quand tout petit déjà, il faisait des kilomètres avec des bottes en plastique et un reste de cartable pour partager avec d’autres une classe à peine chauffée.

 

Mais,

Quand les nuits deviennent longues et que les contes ne font plus dormir

 

Quand rêver devient un rêve et que le futur ne se conjugue plus

 

Quand la rime ne vient pas et que le vers devient amputé

 

Quand le mandole rebelle qui a tant chanté devient orphelin

 

Quand la gorge devient sèche et que la voix s’éteint

Et quand les larmes de toute une vie ne suffisent pas à apaiser la colère des Dieux

 

Alors,

 

Le printemps s’enflamme, les genêts s’embrasent, les cigales se taisent

 

Et les cerisiers ne fleurissent plus.

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*  L’abri bus d’El Adjiba près de Bouira a depuis été rasé

** Rivo** (rivotri)l : benzodiazépine consommée comme drogue

***Azraïn : nom donné par les émeutiers à un engin avec canon à eau utilisé lors des émeutes.

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Rabah AIT-HAMOUDA.

Bribes de vie, Batna, Mai 2001

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P.S. : Rabah AIT-HAMOUDA, professeur en infectiologie à la faculté de médecine de Batna, est décédé le 18 novembre 2022.


07/04/2023
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