SRAS-Cov2: il y aura du bon et du positif avec Omicron. J’espère ne pas me tromper!
Il y aura du bon et du positif avec Omicron. J’espère ne pas me tromper. Un nouveau variant du SRAS-Cov2 vient d’être identifié en Afrique du Sud alors que le Delta n’a pas fini sa progression. Ce variant a été mis en évidence dans la province de Gauteng en Afrique du Sud où il a été observé une recrudescence de cas cliniques de COVID-19 avec des PCR quelque fois négatives. L’Afrique du Sud compte la plus grande épidémie de VIH au monde avec 7.7 millions de PVVIH. Dès le départ de la pandémie il n’a pas été observé de particularité en termes de susceptibilité ou d’expression clinique ou de gravité particulières chez PVVIH. Certains ont même émis l’hypothèse d’une protection de ces personnes par les ARV, d’où l’idée au départ d’en proposer certains d’entre-eux comme arme pour le SRAS-Cov2. Il a été démontré que les PVVIH ont une clearance du SRAS-Cov2 très longue allant jusqu’à 210 jours (07 mois) documentée par des PCR. Ceci fait de ces patients des incubateurs de variations ou de mutations pour d’autres virus à grande capacité de changements.
Ce nouveau variant, Omicron cumule des mutations qui proviendraient du VIH et des coronavirus humains endémiques comme le HCov-E229. La COVID-19 est un cas d’école en termes de réussite émergentielle mettant à l’épreuve ou à nu les systèmes de santé des plus faibles aux plus performants avec des impacts sanitaires, économiques, sociétaux, psycho-affectifs etc.) lourdement ressentis et à la longue difficilement acceptables. La dynamique des émergences nécessite trois éléments fondamentaux : l’agent pathogène et sa capacité à s’adapter, l’environnement de genèse et de diffusion et l’hôte. La réussite émergentielle d’un virus passe également par trois étapes et dans chaque étape, réussira le virus qui a la plus grande capacité de s’adapter par des variations, des mutations ou des recombinaisons. Le but final est la pérennisation dans la nouvelle espèce conquise. Il en est ainsi du virus de la rougeole provenant des bovins, du VIH provenant du singe et bientôt du SRAS-Cov2 provenant des chéiroptères. Nous vivons en direct ces étapes de réussite.
- L’introduction du virus par franchissement de la barrière inter-espèces souvent après plusieurs tentatives d’agencement structuraux et d’améliorations successives de la clé d’entrée.
- La diffusion dans la population directement liée au mode de transmission. Plus la population est vierge, plus la transmission est facile, plus la circulation et la diffusion est aisée. La globalisation est directement liée aux mouvements et voyages des populations.
- La pérennisation dans la nouvelle espèce conquise est le but final constituant la réussite émergentielle. Le SRAS-Cov2 est en phase de diffusion et finira par devenir pérenne. On comprend aisément que plus le virus a des capacités de muter, de varier, de se recombiner, plus il a de chance de pérenniser dans la nouvelle espèce conquise. Ces capacités sont le fait classique des virus à ARN. La possibilité d’infecter plusieurs espèces constitue un avantage supplémentaire en devenant des mixeurs de virus; il en est ainsi du porc pour les virus grippaux, et récemment des visons pour le SRAS-cov2 documenté par Raoult. D’autres réservoirs sauvages sont à l’étude comme les cerfs de Virginie et autres. Le SRAS-cov2 a une grande capacité de variations et chaque variant qui apparait cumule de changements pour être plus contagieux et ou plus mortifère. Ceux qui ne peuvent pas aboutissent à un échec et finissent par se taire. C’est comme cela que les épidémies de certains variants s’estompent (Alfa, Beta, Gamma, Mu, Marseille4 etc.) aux dépens d’un nouveau plus adaptés, plus ‘’intelligent’’, dixit Raoult. Omicron arrive, il cumule plus de trente mutations le rendant encore plus transmissible que Delta qui lui-même a supplanté ses précédents cousins.
Alors deux scenarios sont possibles avec ce variant recombiné et plus transmissible que les précédents :
- Le virus provoque un taux de mortalité élevé, nous allons encore payer le prix en attendant l’arrivée d’un plus gentil
- Le virus ne provoque que des formes asymptomatiques voire bénignes, tant mieux. De par sa plus grande transmissibilité, il va supplanter le Delta et autres. Le SRAS-Cov2 aura trouvé la bonne combinaison structurale qui lui permettra de devenir pérenne et rejoindre les autres Human-Cov endémiques ; il en sera le cinquième.
Ce qui a été observé à ce jour, c’est que ce variant est plus contagieux mais on n’a pas encore d’idée sur la gravité. Aujourd’hui, finit une étude à Gauteng, épicentre de l’épidémie ; nous saurons dans peu de temps qu’en est-il de la gravité. C’est le point positif et bon que nous apportera, j’espère l’émergence de ce variant. Priez avec moi que ce soit le début d’une fin. Le SRAS-cov2 aura réussi son émergence.
Hommage au Pr Rabah AIT-HAMOUDA 1951-2022
Il y a un an, jour pour jour, à minuit, le 18 novembre 2022, tu es parti pour toujours. Tu nous as quittés, simplement comme tu as toujours choisi de vivre. Tu nous as laissés hébétés, assommés par ce départ arrivé trop vite, trop tôt. Trop tôt pour nous tous, ta femme, tes enfants, ta famille, tes amis, qui avions espéré ta guérison. Mais c’est la volonté de Dieu.
Pendant quarante ans à Constantine, à Sétif, puis à Batna, tu as donné sans compter, tu as soigné, tu as enseigné, tu as transmis tes connaissances avec ta rigueur scientifique, ton exigence. Excellent pédagogue, tu as fait dire à toutes ces générations de spécialistes, présentes en nombre le jour de ton enterrement : "C’est le meilleur enseignant qu’on ait jamais eu", leur faisant dire aussi que tu leur donnais des leçons de vie. Le témoin est bien passé. Des générations de médecins brillants ont repris le flambeau, te prenant comme modèle, imprégnés de ton savoir, ta rigueur et ton honnêteté intellectuelle.
De l'expression clinique de la COVID-19
Mystérieuse comme tout ce qui vient du soleil levant, la COVID-19 n’arrête pas de nous surprendre.
Naissante, bruyante, extensive, conquérante, cette maladie défit le monde dans ce qu’il a de plus puissant, là n’est pas le débat ; il est dans le visage clinique qu’elle nous présente à chaque saut de continent.
Il est classiquement connu que chaque maladie infectieuse s’exprime par des signes qui en font la description la plus classique.
Cette expression est certes dépendante de l'agent pathogène, de son impact sur les organes, mais également des caractéristiques démographiques et sanitaires des populations en termes d'immunité individuelle et collective, et de comorbidités.
Les séries de cas décrits on chine ont donné les caractéristiques cliniques et épidémiologiques de départ. Ce tableau aboutit une définition initiale des cas.
Je pense que nous allons observer avec le temps d’autres expressions cliniques différentes de ce qui a été observé en chine et dans peu de temps nous allons avoir trois expressions :
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- l'expression chinoise
- l'expression européenne
- l'expression africaine
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1) L’expression chinoise initiale : atteinte respiratoire plus ou moins grave pouvant aller au SDRA et syndrome de défaillance multiviscérale. Une gravité et une létalité associée à l’âge, aux comorbidités. Mais curieusement pas ou peu d’enfants et de femmes enceintes et pas ou rarement de PVVIH (peut-être protégés par les ARV)
2) Une expression européenne actuelle où l'on décrit :
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- des formes graves chez les jeunes,
- fréquence de signes non décrits précédemment en chine comme des signes digestifs, neurologiques, une anosmie, une agueusie et qui constituent actuellement en Europe un signe d’appel retenu.
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Je reste curieux de voir quel va être l’impact de la maladie chez enfants et les femmes enceintes et les PVVIH en Europe. L’Italie possède après le japon la population la plus importante de personnes âgées d'où une létalité dépassant celle de chine.
3) L’Afrique semble prendre du retard pour probablement une raison de faible connexion aérienne avec les pays d'Asie. Maintenant que l’Europe est touchée, des cas vont être introduits par des émigrés africains en Europe de retours chez eux. Et là on va avoir l'expression africaine avec tout son fardeau de malnutrition, de parasitoses et autres fléaux pouvant interagir pour donner à la maladie une particularité africaine. Et quel sera l’impact chez les enfants et les femmes enceintes et les PVVIH sans accès au traitement.
A la fin, nous aurons une expression clinique de la COVID avec des particularités.
Il faut retenir, comme le dit Raoult, que ‘’les maladies infectieuses sont des maladies d’écosystème’’ ; elles ne sont jamais figées ni dans leur genèse, ni dans leur développement, ni dans leur expression. Cet écosystème va de la niche écologique microscopique réalisée par une communauté multicellulaire dans un biofilm jusqu’à l’écosystème macroscopique planétaire soumis à des interactions entre les déterminants humains, animaux et environnementaux ; d’où le concept ‘’one World, one Heath’’.
Elles se présentent et se présenteront sous un autre visage comme l’avait prédit Charles Nicolle dans ‘’Destin des maladies Infectieuses’’.
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Dr. Rabah AIT-HAMOUDA, Professeur en Infectiologie
Vice-Président chargé de la Commission Scientifique de la Société Algérienne d’Infectiologie (SAI)
Service des Maladies Infectieuse, EPH et Faculté de Médecine, Université Ben Boulaid, Batna 2
Le printemps noir ou la colère des genêts
Quand les murs deviennent exigus et qu’il ne reste plus de place aux autres,
Quand les bras ne servent à rien sinon à pendre, se croiser ou cacher les mains dans des poches vides ou trouées
Quand l’AK47 devient maladroit, distrait ou fou et se vide sur celui qu’il est censé défendre des hordes moulées ailleurs,
Quand le verbe devient pubien, et comme des pierres jetées aux femmes
Quand des balles "pourtant normales" fracassent les cerveaux d’adolescents émeutiers
Quand l’incendie de la pinède de Baïnem devient inquiétude, fait la une du vingt heures et que le brasier des genêts est rangé dans l’habitude
Quand les cris ne portent pas plus loin que les montagnes sciemment érigées par la tectonique et l’Histoire
Alors le petit émeutier aphone écrit sur le mur d’un arrêt de bus de la RN5 près d’El Adjiba*:
-"Ne tirez pas sur nous, nous sommes déjà morts"
Trop tard, il est mort!
Mort ? tu es sûr ?
Oui il est mort te dis-je!
Mort de ne savoir que faire de sa vie
Mort, tué par ce temps qui ne veut pas finir à compter les voitures qui passent
Mort, tué par sa gorge qui a tant crié et que personne n’a entendue
Mort, tué chaque jour par l’arrivée de la nuit et par la peur d’être surpris par les autres sur les chemins qui montent
Mort de rentrer, la tête basse rien dans les mains, prendre effacé, un reste de couscous avec un oignon puis se faufiler entre deux paillassons en espérant faire un rêve.
Oui rien qu’un rêve, pas plus.
Le rêve d’être dans un atelier avec un outil et gagner de quoi remplir un couffin et de renter au village altier comme un arguez
Le rêve de voir son diplôme ailleurs que dans un placard poussiéreux, maintes fois joint à des dossiers d’embauche sans retour
Le rêve de prendre tendrement la main d’une amie et vivre un bourgeon d’amour sur un banc du jardin de Birkhadem sans être apostrophé ni embarqué pour outrage alors que l’outrage est ailleurs dans des salons calfeutrés
Le rêve de partager sa vie, à défaut cet éternel couscous aux fèves ou aux lentilles sur une nappe même si elle n’a pas de dentelles
Le rêve d’avoir de petits chenapans qui apprendront autre chose à l’école que des Tarbiyates
Le rêve de leur parler et leur chanter comme sa mère le lui a appris.
Le sommeil emprunté au Rivo** arrive enfin et le gave de cauchemars: vrombissement de Azraïn***, aboiements de bergers allemands, crépitements de fusils automatiques…. Et puis des hurlements.
Le jour se lève.
La montagne est belle,
La montagne est belle mais pauvre depuis qu’elle a perdu la blancheur de ses crêtes.
La vie aussi est pauvre.
Que va t il faire aujourd’hui ?
Descendre pour compter encore les voitures qui passent?
Crier encore dans la rue des mots que les autres osent à peine chuchoter de peur d’être entendus ou par politesse de ne pas parler la bouche pleine ?
Ou
Embarquer avec d’autres sur un esquif hasardeux dans l’espoir de faire naufrage sur des terres inconnues ?
Contrairement à ses amis, il choisirait le blizzard canadien au bush australien.
Et le froid ?
Le froid ? Il l’a toujours connu quand tout petit déjà, il faisait des kilomètres avec des bottes en plastique et un reste de cartable pour partager avec d’autres une classe à peine chauffée.
Mais,
Quand les nuits deviennent longues et que les contes ne font plus dormir
Quand rêver devient un rêve et que le futur ne se conjugue plus
Quand la rime ne vient pas et que le vers devient amputé
Quand le mandole rebelle qui a tant chanté devient orphelin
Quand la gorge devient sèche et que la voix s’éteint
Et quand les larmes de toute une vie ne suffisent pas à apaiser la colère des Dieux
Alors,
Le printemps s’enflamme, les genêts s’embrasent, les cigales se taisent
Et les cerisiers ne fleurissent plus.
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* L’abri bus d’El Adjiba près de Bouira a depuis été rasé
** Rivo** (rivotri)l : benzodiazépine consommée comme drogue
***Azraïn : nom donné par les émeutiers à un engin avec canon à eau utilisé lors des émeutes.
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Rabah AIT-HAMOUDA.
Bribes de vie, Batna, Mai 2001
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P.S. : Rabah AIT-HAMOUDA, professeur en infectiologie à la faculté de médecine de Batna, est décédé le 18 novembre 2022.
Khali Ahmed, 1911-1983
À Mendès, petit bourg du côté de Relizane ("Ighil-Izzane" : le col cramé), a vécu un homme que les autochtones appelaient "Si Ahmed Ezzouaoui". Il était tailleur traditionnel et était apprécié pour la qualité de son travail. Les gandouras, les pantalons bouffants connus sous le vocable de "Saroual m’regueche ou loubia", les cache-poussières étaient des produits très prisés à l’époque et il était l’un des rares à en maîtriser la coupe et la couture. Il occupait au centre du village une petite boutique qui lui servait d’atelier et de lieu de vie.
Comme capital, il avait une vieille machine à coudre "Singer" qui avait des caprices et le mettait dans tous ses états quand la canette coinçait. "Elle n’arrête pas de me bouffer du fil", disait-il ! Vous le verrez alors, un tournevis à la main, tantôt l’insultant en kabyle, tantôt la suppliant comme s’il s’agissait d’une personne ou d’une compagne.
Un autre jour, vous le verrez souriant, bercé par le chant mélodieux de sa "Singer" et en un tour de main, il vous termine une gandoura. Durant ces jours de bonnes huilées, ces jours de gaité, vous pouvez lui demander ce que vous voulez. Il fait partie de ces gens qui ne savent pas dire non.
Il aimait sa "Singer" aussi capricieuse et aussi boudeuse, soit-elle. C’était un peu sa confidente, son amie qui l’avait accompagnée partout où les vicissitudes de la vie l’ont mené. Il était aux petits soins avec elle, toujours à la bichonner, à la lustrer. Une giclée d’huile par-ci, un coup de chiffon par-là, et la voilà aussi belle qu’au premier jour de leur rencontre.
À l’époque, peu d’indigènes avaient accès à l’école française. "Si Ahmed Ezzouaoui", titulaire du certificat d’études, était un lettré. Si vous passiez par-là, vous le trouverez entouré de ses amis en train de prendre un bain de soleil en leur traduisant des journaux. Il faisait également office d’écrivain public gratuitement et ne rechignait pas à rédiger une demande administrative, une lettre d’un père à son fils perdu dans les chantiers de France ou celle d’une femme à son mari dont le silence devenait inquiétant. Par la tenue de ces courriers, il était au courant des petits secrets et des intentions des uns et des autres. Mais "Si Ahmed" était très discret et savait garder ce qui lui avait été confié. Il avait gagné l’estime de tous, même des colons, par son honnêteté et la justesse de son jugement. Il avait comme grand ami, l’instituteur du village, avec qui il s’adonnait avec bonheur à l’apiculture.
Un jour, un de ses clients, riche propriétaire en partance pour la Mecque, vint le voir :
- Si Ahmed, lui dit-il, je pars dans quelques jours en pèlerinage à la Mecque, Inchaa Allah et comme je n’ai confiance qu’en toi, j’ai quelque chose à te confier !
Il tira de sa poche un petit paquet enfoui dans un foulard. Il l’ouvrit devant les yeux éblouis de Si Ahmed. Le petit paquet contenait cent cinquante louis d’or !
- Voilà Si Ahmed, je te confie cette petite fortune. Je reviendrai la reprendre dès mon retour. Mais si je ne revenais pas qu’à Dieu ne plaise, je te les lègue devant Dieu et les hommes !
Le riche voisin partit à la Mecque, accomplit son devoir religieux et rentra à Mendès sain et sauf avec le titre envieux de Hadj. Pour fêter son retour, il offrit une "Ouaâda" à tout le douar. Si Ahmed s’était régalé. Le couscous était bon avec de gros morceaux de viande. Il aimait bien le couscous.
Des semaines passèrent et El hadj ne venait toujours pas récupérer son paquet. Un jour de marché, Si Ahmed le rappela :
- Ya EL hadj, tu n’as rien laissé chez moi ? Tu ne m’as rien confié à la veille de ton départ à la Mecque ?
EL hadj, comme désarçonné, porta la paume de sa main à son front et dit :
-Ya Si Ahmed ! Elbarakat ferdjal ! Allah Yahafdhak. Je t’assure que j’ai complètement oublié notre petit secret ! Je savais que ma confiance était bien placée et je ne me suis pas trompé !
- Voici ton bien ! Compte tes louis ! lui dit Si Ahmed.
En guise de comptage, El Hadj prit cinq pièces d’or et les lui offrit. Si Ahmed refusa mais El hadj ne voulait rien savoir et obligeait Si Ahmed à accepter ce cadeau qui lui venait du cœur d’un ami.
Khali Ahmed a passé sa vie derrière une machine à coudre à Mendès pour subvenir aux besoins de sa famille nombreuse restée à Tassaft Ouguémoun. C’était le seul homme de la famille. Il a fait partie de ces kabyles qui sont partis chercher du travail ailleurs. Certains ont préféré les mines de charbon de Lille ou de Kenadza, les usines d’automobiles ou différentes manufactures de France. Ils finissent par revenir en fin d’âge, poussifs avec des poumons ravagés par l’anthracose (dépôt de particules de charbon dans les poumons). La fortune ? C’était un mirage !
Khali Ahmed n’avait peut-être pas le courage d’aller si loin. L’exemple de son oncle et de son frère, qui ne sont jamais revenus, l’a certainement déçu. Il a préféré rester au pays mais loin, très loin de son village. Mais comme dit un proverbe kabyle : "Anga ithoufidh aghroumik, tine itamourthik" (Là où tu trouves ton pain, là est ton pays).
A Mendès, Khali Ahmed n’as pas trouvé du pain mais des croûtons justes suffisants pour nourrir les siens. Grâce à sa petite machine, il arrivait à faire face avec honneur à toutes ses obligations, sans jamais se départir. Toujours égal à lui-même dans la joie ou dans la douleur. La fortune ! Il n’en n’a jamais rêvé. Le peu lui suffisait. Ce n’était pas le genre à vouloir compter des louis.
C’était un homme simple. Simple dans son discours calme et imagé, simple dans sa tenue vestimentaire. Il n’a jamais porté d’habits autres que ceux qu’il a cousus, lui-même, de ses propres mains. Aussi loin que je m’en souvienne, il s’habillait toujours de tenues traditionnelles ("Seroual Chergui" pour tous les jours et "M’Regueche" pour les jours de fêtes), un cache-poussière, un gilet boutonné et une chéchia rouge. Il avait constamment dans sa poche un canif "Duck-Duck", sa boite de chique et sa fameuse montre qui datait des années quarante.
Il avait deux passions : sa famille et son verger. C’était un arboriculteur amoureux de la nature et des animaux, passionné par tout ce qu’il faisait. C’est à l’école avec le rigoureux Monsieur "Boularas" qu’il a appris à greffer, à élaguer les arbres et à élever des abeilles.
Chaque année, il revenait fêter l’Aïd au village. Il tenait à sacrifier lui-même son mouton. C’était le seul moment qu’il passait agréablement avec toute sa famille. Quand il arrivait, c’était la joie à la maison. Tous les membres de la famille savaient que, dans la valise, il y’ avait quelque chose pour chacun. Gandouras et coupons de tissus pour les femmes, pantalons bien cousus pour les garçons, henné et parfums pour la tante, bonbons et friandises pour les enfants. Il n’oubliait jamais personne. Même sa sœur éloignée d’Agouni-Oufourou avait sa robe et sa part de viande. Il y avait aussi des choses à lui que personne ne devait toucher : du mastic et du raphia pour greffer, des sécateurs et autres outils de coupe, des boutures de ceps de vigne et autres tas de bricoles dont seul lui connaissait l’utilité.
Khali était claustrophobe et besogneux. Il n’aimait pas l’oisiveté et ne rien faire le rendait insupportable. Une fois la fête passée, il devenait un parfait paysan. Il disait souvent "Avadel nechghoul dhastafou" : changer de travail, c’est se reposer). Alors, vous ne le trouverez plus à la maison. Ne le cherchez nulle part. Allez du côté d’Ath Ouamara, puis descendez à gauche. Vous trouverez un verger appelé "Amdhun Athencer". N’ayez pas peur d’ouvrir "Thissaghlith" (porte en branchage de la clôture). Les maîtres des lieux sont généreux. Cueillez quelques figues, descendez en aval de la source. Vous trouverez un poirier et régalez-vous de ses succulentes petites poires. C’est là que vous trouverez Khali Ahmed en train d’élaguer des oliviers ou débroussailler une parcelle. Demandez-lui conseil sur la maladie qui ravage votre vigne ou vos cerisiers. Il vous donnera toutes les préparations gardées jalousement par d’autres, car Khali était généreux. Il aimait partager ce qu’il avait, il aimait partager ce qu’il savait.
Ainsi était Khali, mon oncle maternel, Si Ahmed Ezzouaoui (1911-1983).
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Bribes de vie, Recueil non publié de Rabah AIT-HAMOUDA , Batna 2011.